Création

     En 2003, un lycéen new-yorkais de 15ans, Christopher Poole, ouvre un forum en anglais consacré aux mangas sur le modèle du site japonais 2chan(http://www.2chan.net/). Assumant la ressemblance, il le baptise 4chan. Très vite, 4chan (http://www.4chan.org/) reçoit un grand nombre d’images de toutes sortes, qui n’ont rien à voir avec les mangas. Pour encadrer un minimum ces images, Chris Poole crée une rubrique à part, baptisée /b/. C’est là que viennent s’entasser des dessins d’enfants fades, des images érotiques crues, des délires graphiques morbides… ça donne alors naissance au « style /b/ », à la fois innocent et pervers, sérieux et infantile, rationnel et absurde. Tout est permis sur 4chan, car les visiteurs peuvent rester incognito. Des milliers d’utilisateurs ont donc la même signature, qui devient un pseudo à part entière, puis le signe d’appartenance à une communauté. Ce site, qui est un espace d’expressions décomplexé du net, attire jusqu'à 80 000 visiteurs simultanés, et constitue un lieu très fréquentés des Anonymous, encore aujourd’hui. Le phénomène « Anonymous » est né.

Organisation

       Les Anonymous sont de la génération issue des hackers mais qui n’en reprend pas tous les codes. Ils sont principalement anglo-saxons, sont généralement de sexe masculin, ont entre 15 et 40 ans et sont loin d’être tous des hackers reconnus et compétents. Le partage d’information est à la base de l’organisation : lorsque qu’un sujet est identifié comme problématique ou intéressant, une « opération » peut être lancée.

       Il est difficile de parler d’une structure organisée, et encore moins d’une hiérarchie au sein d’Anonymous. Certains leaders existent certainement, parce que leur capacité à convaincre les autres sont plus importantes, mais le principe d’anonymat fait qu’il reste évidemment des différences. La répartition des taches se fait donc en fonction des capacités de chacun, et selon les aléas du moment. La liste des membres d’Anonymous n’est pas disponible, et n’existe d’ailleurs pas. Mais le nombre de personnes se revendiquant Anonymous sur internet est incalculable. Sur Facebook, Twitter, Youtube ou Blogspot, on peut identifier de très nombreux comptes, publiant parfois du contenu original et servant aussi de relais, qui favorise la circulation des messages. On compte plusieurs centaines de blogs actifs et plusieurs milliers de pages Facebook sur lesquelles on dénombre parfois des centaines de millier de « fans » ou de « likers ». Tout le monde pouvant être déclaré Anonymous, il est tout juste possible de remarquer l’activité de certains forums ou l’on sait qu’ils se regroupent, comme 4chan.

        Par leur nature ouverte, il est pratiquement impossible de certifier ce qui est Anonymous ou non, d’autant que leur nombre est tel qu’une action revendiquée par certains ne l’est pas forcément par d’autre.Anonymous englobe des activistes, des hackers, des « sales gosses du web » et des « tech-savvy », qui se retrouve ensemble sans forcement se connaitre ni partager exactement les mêmes valeurs ou ambitions. Un groupe de « consciences interconnectées » dans le cyberespace qui parvient, comme naturellement, à se mobiliser.

       Par exemple, aux Etats Unis, les Anons sont diversifiés, s’occupant à présent de politique locale comme internationale et s’attaquant à des firmes aussi bien qu’à des institutions. En Amérique Latine, ils entrent en résonance avec la dénonciation de la corruption des pouvoirs publics, souvent pris par les populations locales. Ainsi au Pérou, en Equateur ou encore au Brésil, les Anonymous, ont fait tomber des sites gouvernementaux ou publiés des informations relatives aux institutions judiciaires, revendiquant une plus grande transparence des gouvernements et des autorités en place. En France, les Anons luttent contre l’Eglise de la scientologie et ses déclinaisons hors du web.

       Des manifestations masquées ont régulièrement lieu devant le siège de la scientologie à Paris, rue Legendre. Puis, les célébrissimes vidéos d’Anonymous (il y en a plus de 180 000 référencées sur Youtube) sont prononcées par une voix off de synthèse, à la première personne du pluriel et généralement sur l’image d’une personne masquée qui mime vaguement ce qui est dit. L’ensemble donne une impression d’artifice, comme si les vidéos venaient d’un cyberespace lointain et inaccessible, parfois minimisé par l’interaction d’images réelles. De plus, chaque message se termine par leur signature : «  Nous sommes Anonymous. Nous sommes Légion. Nous n’oublions pas. Nous ne pardonnons pas. Redoutez-nous. » L’identité d’Anonymous repose donc fortement sur l’image. Ils sont « légions » et, parmi eux, certains se sont retrouvés pour la première fois sur 4chan.